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22 avril 2009

Des préservatifs pour cirer les chaussures a Bandundu

"Réduire l’usage du condom à un simple cirage est un acte d’immaturité flagrante et un sabotage". Ainsi proteste le chef d’antenne du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) à Bandundu, le Dr Philémon Sikulisimwa, après avoir appris qu’au chef-lieu de la province du même nom, à près de 400 km au nord-est de Kinshasa, les hommes utilisent de plus en plus le lubrifiant des préservatifs pour cirer leurs chaussures. Un preservatif_enroule250père de famille, Luc Mukwakumi s’en offusque et estime qu’utiliser ce produit à cette fin est "un acte de criminalité, une honte."
La pratique fait grincer les dents dans les milieux des organismes qui battent campagne pour l’utilisation des préservatifs dans la lutte contre la propagation du VIH/Sida et des maladies sexuellement transmissibles (IST). Pour mettre un terme à cet usage considéré comme un "détournement abusif" du préservatif, des actions timides sont menées, notamment auprès des groupes cibles jugés comme très vulnérables en matière de propagation du Sida. "Nous avons commencé à sensibiliser les policiers et les militaires…", indique Séverin Mitinimi, du bureau local du Programme national multisectoriel de lutte contre le Sida (Pnmls).

A la base, la pauvreté…
Très récente, cette étonnante pratique d’utiliser le lubrifiant des condoms comme cirage résulte de l’imagination d’un groupe de policiers et militaires de la ville. Tout a débuté en 2007, lorsqu’ils étaient internés pour une formation dans un camp militaire de la place. "N’ayant pas de sous pour s’acheter une boîte de cirage noir, nous avons commencé à utiliser le lubrifiant des préservatifs pour cirer nos bottes", explique sous anonymat un jeune militaire. La "découverte" s’est alors rapidement répandue dans la ville, où la pratique a suscité beaucoup de curiosité auprès du reste de la population civile. Ce d’autant plus que le prix du préservatif, vendu à 50 Fc (0,09 $) pour trois pièces sur le marché local, paraît bien moins cher qu’une boîte de cirage (350 Fc, 0,6$).
"C’est la pauvreté qui pousse les gens à utiliser ce lubrifiant comme cirage, surtout qu’on distribue gratuitement les préservatifs", explique Bienvenu Mayembe, qui en fait lui-même usage. Un jeune du quartier Ngamilele, Christian Bakandowa, fait par ailleurs remarquer qu’avec ce lubrifiant, il ne se pose de question. "Ca va avec les chaussures de toutes les couleurs et l’opération est simple", affirme-t-il.
Pour lutter contre la propagation du VIH/Sida et des IST à Bandundu, le Pnmls a installé, à divers endroits publics de la ville, des distributeurs automatiques des condoms. Ce qui permet à de nombreuses personnes de s’en procurer facilement. D’autres s’approvisionnent dans des pharmacies. "Un jeune qui s’est défendu d’être un obsédé sexuel en achète tous les trois jours", témoigne Théo Ntela. Ce vendeur de pharmacie se frotte les mains, car, dit-il, "le produit qui se vendait assez mal s’écoule maintenant plus vite…"

Des inquiétudes
Mais si, après usage, certains cireurs prennent le soin de jeter les condoms à des endroits inaccessibles comme les fosses septiques, d’autres les abandonnent n’importe où. Des enfants s’en emparent souvent et en font leur objet de jeu, en soufflant dedans comme dans les petits ballons de baudruche. "Cela représente un danger en terme d’insalubrité et de maladie", s’inquiète Kambusi Fofana, étudiant en Biomédical au Centre universitaire de Bandundu.
Ce détournement des préservatifs pour un autre type d’usage inquiète donc sérieusement à Bandundu. Car, selon Séverin Mitinimi, le taux de prévalence du VIH/Sida est de 3,1% dans les milieux urbanisés de la province, pour une population d’environ 6 millions d’habitants. Au niveau national, le taux de prévalence se situe autour de 7% pour 60 millions d’habitants.

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